samedi 29 novembre 2014

La télémédecine clinique: au service du patient ?

La révolution numérique transforme la santé. En télémédecine, des progrès et des innovations sont chaque jour avancés : consultations à distance de radios, diagnostics à distance…

La télémédecine clinique est définie en France dans le Code de la Santé Publique (CSP) comme « une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication ». Il est par ailleurs précisé que la télémédecine « met en rapport, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figure nécessairement un professionnel médical et, le cas échéant, d’autres professionnels apportant leurs soins au patient ».

La télémédecine est donc bien un acte médical clinique. Cet acte est réalisé à distance sous la responsabilité d’un médecin tout en intégrant la participation du patient.

Ainsi, certains établissements ont mis en place des téléconsultations entre eux permettant de bénéficier d’un avis rapide et spécialisé en évitant la multiplication des déplacements.

D’autres formes existent dans d’autres établissements de santé : envoi de SMS au malade avant ou après hospitalisation, écrans multimédias connectés sur Internet permettant de joindre ses proches via Skype, bracelets électroniques permettant de connaître la position des bébés, bornes d’orientation pour des personnes arrivant à l’hôpital, mais aussi suivi clinique à domicile de patients souffrant d'insuffisance cardiaque etc.

La loi Hôpital, patients, santé, territoire du 22 juillet 2009 est venue légaliser la  pratique de la télémédecine. Celle-ci souligne notamment le caractère clinique de la télémédecine (article 78). 

Par ailleurs, le décret 2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine rappelle la place primordiale qui doit être accordée au patient et à son consentement. La télémédecine doit être pratiquée dans le respect des droits du patient, elle doit veiller à l’accès du patient à son dossier médical et elle doit permettre la possibilité de faire appel à un tiers compétent.

La réalisation des actes de télémédecine doit donc être conforme aux conditions définies par le décret. Ainsi, le téléconseil médical gratuit ou tarifié donné sur internet ne peut être considéré comme un acte de télémédecine clinique s’il est pratiqué à titre informatif. En revanche, si le téléconseil médical est personnalisé, il pourra être qualifié d’acte de télémédecine clinique. Cette prestation médicale doit au demeurant être effectuée en conformité avec les règles du code de déontologie médicale.

Il est important de ne pas confondre la télésanté ou la télémédecine informative et la télémédecine clinique.

La télémédecine informative est définie comme « un service de communication audiovisuelle interactif qui organise la diffusion du savoir médical et des protocoles de prise en charge des malades et des soins dans le but de soutenir et d’améliorer l’activité médicale ».

La télémédecine clinique, quant à elle, est un acte médical qui engage la responsabilité des médecins et vise à améliorer l’égalité d’accès à des soins de qualité. Toutefois, elle ne vient pas se substituer à la médecine classique, mais a pour but de la compléter.

La pratique de la télémédecine clinique doit donc être bien distinguée juridiquement des autres prestations du domaine de l’e-santé. En effet, l'activité commerciale portée par l’industrie de la santé numérique ne trouve pas son champ d'application dans la pratique de la médecine, même lorsque cette pratique fait appel aux outils technologiques de l'information et de la communication.
En définitive, la télémédecine clinique structure une organisation de services de soins à distance en utilisant les technologies de l’information et de la communication et relève sans aucun doute d’une évolution de la médecine contribuant à améliorer le suivi des patients.  


dimanche 28 septembre 2014

Le droit du patient à décider de la présence d’un tiers durant un examen médical : quand la jurisprudence vient rappeler les logiques d’éthique

Le devoir d’information par les médecins a été largement reconnu par l’Ordre National des Médecins et par l’article 35 du Code de déontologie médical. Il s’entend comme le consentement du patient à toute activité médicale pratiquée sur lui, celui-ci ne pouvant s’obtenir que par une information libre éclairée de son état ainsi que des soins envisagés. Il s’entend même comme le devoir le plus basique de l’éthique médicale.

Il a donc été naturellement – et heureusement ! – consacré à l’article R. 4127-35 du Code de la santé publique: «  le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension ».

Le plus basique du droit de l’éthique ?
Certainement, mais il a cependant fallu que le Conseil d’Etat apporte quelques rappels en la matière et plus précisément sur les obligations d’information du médecin quant à la présence d’un tiers lors de l’examen médical ?

C’est chose faite dans un arrêt du 19 septembre 2014 (Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 19/09/2014, 361534).

En l’espèce une patiente devait subir un examen du col de l’utérus. Le médecin souligne, juste avant de pratiquer l’acte médical, la présence d’un technicien pendant l’examen pour veiller au matériel utilisé. La patiente refuse et demande au technicien de sortir de la salle. Cependant une coloscopie classique a été effectuée, toujours en présence du technicien, qui est revenue dans la salle à la demande du médecin.

Cet acte, qui aurait fait frémir jusqu’au plus néophyte de l’éthique médicale, a été contesté a postériori par la patiente. Invoquant ainsi l’article R.4127-35 du Code de la santé publique, elle avance que le médecin a violé son droit à une information « loyale, claire et appropriée » sur l’examen médical en question.

Corroborant l’avis de la patiente par une décision du 18 février 2011, la chambre disciplinaire de première instance de l'Ordre des médecins d'Ile-de-France a infligé un blâme au médecin en raison de manquements déontologiques commis lors de l'examen.

Par la suite, invoquant à la fois l’article R. 4127-35 avancé par la patiente mais aussi l’article L.1111-2 du Code de santé publique disposant que « toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) » et enfin l’article R. 4127-36 du même code disposant que « le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas », le Conseil d’Etat est venu donner raison à la patiente, estimant que le médecin avait manqué à son devoir d’information envers la patiente, en permettant à un tiers d’assister à l’examen médical alors que celle-ci s’y était opposée préalablement.

Ainsi il est bon de savoir que désormais, l’obligation d’information du médecin – ou le droit d’information et de consentement du patient –  s’apprécie également quant à la présence d’un tiers lors de l’examen médical. Force est de constater que même le plus basique des droits d’éthique mérite de temps en temps une petite piqure de rappel …


Un éclairage juridique nécessaire sur la responsabilité médicale : l’appréciation des conséquences d’un cas d’infection nosocomiale sur la santé du patient

Ces dernières décennies ont vu fleurir des actions concrètes de lutte contre les infections nosocomiales en milieu hospitalier. Les politiques publiques sont florissantes en ce qui concerne les actions de prévention et de lutte. Cependant, quand est-il concernant les cas avérés d’infection nosocomiale ? A qui la faute ? Et comment l’apprécier juridiquement ?

La législation en matière de responsabilité, d’appréciation de la faute et de l’étendue des conséquences sur l’état de santé du patient voit peut à peu le jour : entre loi et jurisprudence, c’est une véritable toile d’araignée juridique qui se construit, éclairant de plus en plus les tenants et les aboutissants juridiques des infections nosocomiales.

Dans les cas avérés d’infection, les règles de la responsabilité médicale ont changé avec la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 et sont désormais très claires. La faute de l’établissement de santé est désormais présumé, ce qui décharge le patient victime de l’infection de la charge de la preuve. Il incombe donc à l’établissement de prouver qu’une cause étrangère est la source de ladite infection pour s’exonérer de sa responsabilité. Cette loi n’évoque cependant pas le potentiel calcul de l’étendu des conséquences sur l’intégrité du patient.

En ce sens, un arrêt du Conseil d’Etat du 30 juillet 2014 (Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 30/07/2014, 361821) apporte une nouvelle précision non négligeable : il convient désormais, dans le cadre d'une opération communément pratiquée, ne présentant pas de risque particulier, et s'étant déroulée sans incident, devant donc normalement permettre au patient de recouvrer une grande partie de ses capacités fonctionnelles, d’apprécier l’atteinte à la santé du patient par rapport à celui qui aurait été le sien sans ladite infection.
Ainsi, le taux d'atteinte à l'intégrité du patient doit être calculé non pas par la différence entre sa capacité avant l'intervention et sa capacité après consolidation des conséquences de l'infection, mais en se référant à la capacité dont l'intervention aurait permis la récupération en l'absence de cette infection.

En effet, le Conseil d’Etat a jugé qu’en l’espèce il appartenait à la Cour administrative d’appel « d'évaluer l'atteinte à l'intégrité physique résultant de l'infection nosocomiale en se référant à la capacité visuelle dont l'intervention aurait permis la récupération en l'absence de cette infection ».

Venant un peu plus éclairer l’appréciation des conséquences d’une infection nosocomiale sur l’état d’un patient, le Conseil d’Etat apporte une pierre à l’édifice juridique de la pratique médicale en centre hospitalier et plus particulièrement une jurisprudence non négligeable au milieu du flou juridique des cas d’infections nosocomiale.



jeudi 18 septembre 2014

Un puissant bêtabloquant pour la vente de médicaments en ligne par des sociétés commerciales !

C’est le 22 mai 2014 que le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens a tiré la première sonnette d’alarme concernant la vente de médicament en ligne, en assignant la société ENOVA SANTE, lui opposant l’article 809 du Code de procédure civile et les articles L.4211-1, L.5125-33 et s. et R.5125-79 et s. du Code de la santé publique. L’Ordre des pharmaciens réclamait ainsi la cessation du commerce électronique de médicaments ainsi que le retrait des pages concernant ledit commerce du site détenu par la société ENOVA SANTE.

En application de la législation en vigueur, et suivant une directive européenne de 2011, la France a accepté, depuis le 2 janvier 2013, que les pharmaciens établis en France et titulaires d’une officine aient  $recours à la vente en ligne. Une autorisation de l’Agence Régionale de Santé (ARS) est requise. Les sites autorisés figurent par ailleurs sur le site du ministère et celui de l’ordre des pharmaciens.

Enjoignant la société ENOVA SANTE de cesser d’offrir à la vente des médicaments sous astreinte de 1 000€ par jour de retard, l’ordonnance en référé du 8 août 2014 du Tribunal de Grande Instance de PARIS a envoyé un signal fort sur les autorisations de vente de médicaments en ligne. Cette décision dissuasive pour toutes autres sociétés tentées par cette activité rappelle que la vente de médicaments est loin d’être assimilable à n’importe quelle activité commerciale et qu’elle reste encore l’apanage des pharmaciens et des titulaires d’officine, pratiquant ainsi leur métier et leur art en respectant l’article L4221-5 du code de la santé publique : « Nul ne peut exercer la profession de pharmacien s’il n’offre toutes garanties de moralité professionnelle et s’il ne réunit les conditions suivantes : 1° Etre titulaire d’un diplôme, certificat ou autre titre mentionnés aux articles L. 4221-2 à L. 4221-5 ...3° Etre inscrit à l’ordre des pharmaciens.”

Cette décision est par conséquent le moyen de réaffirmer fort heureusement que la santé et la pharmacie ne sont pas des domaines propres à la commercialisation et ne peuvent être régis par les lois du marché … 

Claire LE BERRE
Juriste

mercredi 9 avril 2014

Les nouvelles avancées de la télémédecine pour 2014


La Télémédecine a été introduite dans le Code de la Santé Publique (l’article L 6316-1) à la suite de la loi HPST du 21 juillet 2009. Son cadre réglementaire a été défini par décret du 19 octobre 2010. Ainsi, l’article R 6316-5 dispose : "Les actes de télémédecine sont pris en charge dans les conditions prévues aux articles L162-1-7, L162-14-1, L162-22-1, L162-22-6, L162-32-1 et L165-1 du code de la sécurité sociale."

Pour mémoire, ces articles sont relatifs à la prise en charge ou au remboursement par l'assurance maladie de tout acte ou prestation réalisé par un professionnel, établissement ou centre de santé, à condition d'être inscrit sur la liste des actes remboursables.

Cette disposition semble prévoir un financement normal des actes de télémédecine par l’Assurance maladie. Toutefois, le financement de cette nouvelle forme de la médecine rencontre des difficultés auxquelles la loi sur le financement de la Sécurité Sociale (LFSS) pour 2014 tente de remédier en proposant de mettre en place une expérimentation dont l’évaluation sera conduite par la Haute Autorité de santé (HAS).

A partir du 1er janvier 2014 et pour une durée maximale de 4 ans, l’expérimentation du financement d’actes de télémédecine a pour but d’accélérer le déploiement de nouveaux usages de la télémédecine en ville et au sein de structures médico-sociales (EHPAD) sur plusieurs régions pilotes.

Cette expérimentation poursuit un triple objectif :

– faciliter l’accès aux soins, notamment dans les zones sous-denses ou enclavées ;

– optimiser les parcours de santé, notamment des personnes âgées et handicapées ;

– renforcer l’efficience de la prise en charge pour les patients.

Cette expérimentation, fondée sur un cahier des charges national défini par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale et dont le pilotage reposera fortement sur les agences régionales de santé (ARS), portera sur des activités de télé-expertise, de téléconsultation et de télésurveillance.

Le ministère veut privilégier les territoires dont la « démographie médicale est fragile » et les régions ayant un grand nombre de projets déjà engagés et répondant à des besoins de santé identifiés dans le programme régional de télémédecine (PRT), dotés d’un volume d’activité suffisant, matures, y compris d’un point de vue de la réflexion sur le financement, et à l’organisation aboutie et présentant des gains d’efficience potentiels en terme d’organisation des soins.

Les ARS avaient jusqu’au 5 février 2014 pour adresser leur lettre d’intention à la direction générale de l’offre de soins (DGOS). La sélection devrait intervenir prochainement.

Afin de soutenir le déploiement de la télémédecine, il est nécessaire de déroger aux règles de tarification de droit commun. Ainsi, les dépenses résultant de cette expérimentation seront prises en charge par le fonds d’intervention régional (FIR) géré par l’ARS.

Cette expérimentation constitue-t-elle une véritable avancée ?

Même si le financement mis en place est déjà prévu par l’article R 6316-11 du Code de la sécurité sociale, ce dispositif permettra une identification spécifique des fonds utilisés pour le financement des actes expérimentaux, information qui sera ensuite transmise au Ministère. Mieux encore la LFSS invite la Caisse Nationale d'Assurance Maladie à adapter ses systèmes d'information pour le suivi de l'activité réalisée en télémédecine dans le cadre de l'expérimentation. Ces différents éléments devraient permettre à la HAS de réaliser une évaluation médico-économique. 

Alors, il convient d’attendre la fin du statut expérimental de la télémédecine pour observer si son déploiement aura permis de lutter contre les déserts médicaux… et à quel prix !
 
 
Sandra NICOLET

mercredi 19 mars 2014

Loi Consommation et les droits des résidents en EHPAD

La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, publiée au JO le 18 mars 2014, contient plusieurs articles ayant vocation à renforcer les droits des résidents en EHPAD et apporte donc des modifications au Code de l'action sociale et des familles.
L'objectif affiché par le Gouvernement est de renforcer la protection économique des personnes âgées et dépendantes et de leurs familles.
Ainsi, parce que les frais facturés par les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes doivent correspondre au service rendu, la loi relative à la consommation  prohibe la facturation de prestations d’hébergement qui n’ont pas été délivrées, postérieures à la libération de la chambre, comme elle interdit la facturation de frais de remise en état de la chambre en l’absence d’un état des lieux dressé à l’arrivée du résidant (articles 117, 118 et 119 du Code de l'action sociale et des familles). Il est également imposé par la loi la réalisation d'un état des lieux contradictoire à l'entrée et à la sortie du résident.
Le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement, qui sera présenté le 9 avril 2014 en Conseil des ministres, devrait poursuivre cette démarche en encadrant mieux la revalorisation annuelle des tarifs d’hébergement dans les EHPAD non habilités à l’aide sociale, et en définissant un socle de prestations de base devant être inclus dans le tarif hébergement. Un site internet grand public géré par la CNSA devrait publier l’ensemble des tarifs des établissements. 

Delphine JAAFAR
Avocat associé
delphine.jaafar@bismuth.fr

L'externalisation de l'immobilier lié au service public

La plupart des établissements publics de santé vivent une période de restrictions financières, de financement réduit et de rationalisation ou de rajustement des effectifs.

En période de compressions budgétaires, une fois que toutes les économies et efficiences internes possibles ont été réalisées, de nombreux organismes se tournent vers l’extérieur et examinent l’option de l’externalisation. Ce mode de fonctionnement est perçu comme une façon de réduire les coûts, plus particulièrement ceux de la formation et des avantages sociaux des employés ainsi que les coûts d’immobilisation d’un organisme.

Les externalisations de patrimoine ont pour objectif l’obtention rapide de cash soit pour l’investir dans l’activité cœur de métier soit pour améliorer les ratios financiers, soit encore pour permettre un désendettement.

On connaît déjà diverses formes d’externalisation de la gestion immobilière par des partenariats public-privé dont certaines sont directement applicables au secteur public médico-social et sanitaire.
De telles procédures s’inscrivent pleinement dans le cadre des prescriptions du droit de la commande publique et répondent donc aux obligations procédurales de publicité et de mise en concurrence préalables n’autorisant pas le positionnement direct des partenaires.
Nonobstant, l’externalisation de l’immobilier d’un établissement lié au service public peut aller plus loin encore que la formule de partenariat public-privé : la personne publique peut décider de ne plus être propriétaire in fine et d’externaliser, dès lors, intégralement la gestion de son immobilier.
Il s’agit d’un montage dans lequel l’établissement public signe un contrat de location échappant aux règles du droit de la commande publique.
La position de locataire de l’établissement public lui interdit la qualité de donneur d’ordre ou de maître d’ouvrage
Un tel montage pourrait autoriser le positionnement direct des partenaires s’agissant de la construction de l’ouvrage qui sera loué à l’établissement public.
Il convient de préciser que dès lors que le besoin émane d’un pouvoir adjudicateur et qu’il fait l’objet de spécifications précises et explicites de la part de ce dernier, le droit de la commande publique a vocation à s’appliquer.

Dans le cadre d’une procédure d’appel à projets, la définition du besoin est réalisée dans le cahier des charges de l’appel à projets qui constitue une procédure de mise en concurrence.

Hors cadre d’une procédure d’appel à projets, la question de la définition du besoin est posée. L’ouvrage réalisé par le promoteur-constructeur doit-il être considéré comme répondant aux besoins de l’établissement qui le loue in fine ?

Il s’agit, dans un tel montage, de « renverser » l’initiative du projet de reconstruction / réhabilitation.

Un promoteur acquiert un terrain, réalise l’ouvrage qu’il revend, dans le cadre d’une VEFA, à un bailleur.

Le bailleur loue l’ouvrage à l’établissement dans le cadre d’un bail en l’état futur d’achèvement (BEFA).

Dans le cadre d’une VEFA porté par un promoteur, l’établissement se dessaisit donc totalement de sa qualité de maître d’ouvrage.

Si tel n’était pas le cas, une contrariété avec le droit de la commande publique serait identifiable.

En effet, le contrat échappe au droit de la commande publique dès lors qu’il s’agit d’un contrat de location immobilière.

Pour mesurer le risque de requalification du montage au regard des prescriptions du droit de la commande publique, il convient d’apprécier si la personne publique a pris, ou non, l’initiative du projet et si les équipements réalisés par le promoteur sont définis d’une manière ou d’une autre par l’établissement public locataire (par exemple en termes d’affectation et d’importance des affectations).

Au regard du droit communautaire, la définition du marché public de travaux a vocation à couvrir un nombre important de situations.

La Directive 2004/18 CE précise que :

« Les marchés publics de travaux sont des marchés publics ayant pour objet soit l’exécution, soit conjointement la conception et l’exécution de travaux relatif à une des activités mentionnées à l’annexe I ou d’un ouvrage, soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur. Un « ouvrage » est la résultat d’un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique » (article 1-2 b).

Il en résulte qu’il peut y avoir marché public de travaux, au sens communautaire, même en l’absence, comme en l’espèce, de maîtrise d’ouvrage publique (CJCE, 12 juillet 2011, aff. C-399/98, Ordine degli Architetti delle Province di Milano e Lodi, Leb. CJCE, I, p. 5409).

Cette indifférence de la maîtrise d’ouvrage publique se prolonge également par la même indifférence au regard de la question de l’appropriation au final par la collectivité des ouvrages réalisés. La Cour de Justice de l’Union Européenne a indiqué qu’une convention peut être qualifiée de marché public au sens de la directive « indépendamment du fait qu’il est prévu ou non que le pouvoir adjudicateur soit ou devienne propriétaire de tout ou partie de cet ouvrage » (CJCE, 18 janvier 2007, Jean Auroux/Cne de Roanne, aff. C-220/05; CJCE, 25 mars 2010, Helmut Müller, aff. C-451/08).

Pour qu’il y ait marché public de travaux au sens communautaire, il faut et il suffit que l’opération en cause soit conclue pour le compte ou à l’initiative d’un pouvoir adjudicateur. A cet égard, il y a lieu de rechercher dans quelle mesure ce dernier a précisé ses besoins, un marché de travaux devant aboutir à la réalisation d’un ouvrage « répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur ».

Une affaire est à cet égard particulièrement notable, puisque ayant abouti, dans une situation dans laquelle une ville et une société d’investissement privée concluent un contrat portant sur la location, par la première, de halls d’exposition à construire par la seconde, et dans laquelle ces halls seront sous-loués par la ville à une société de droit privé dont l’objet est d’organiser des foires et des expositions, à la qualification comme marché public de travaux, d’un contrat, formellement qualifié par les parties de contrat de location, conclu entre la ville et la société d’investissement privée, portant sur la location de halls d’exposition à construire conformément à des spécifications détaillées quant à la réalisation des ouvrages en question explicitées par la ville (CJCE, 29 octobre 2009, Commission c/ Allemagne, aff. C-536/07, points 55-59) :

« Il convient de constater (…) que les ouvrages concernés ont été réalisés conformément aux spécifications très détaillées explicitées par la Ville de COLOGNE dans le contrat principal. Il ressort de ce contrat et de ses annexes que lesdites spécifications, qui se rapportent à un descriptif précis des bâtiments à construire, de leur qualité et de leurs équipements, vont bien au-delà des exigences d’un simple locataire à l’égard d’un nouvel immeuble d’un certaine envergure. Dès lors force est de conclure que le contrat principal avait comme objectif primaire l’édification des halls d’exposition en question conformément aux besoins précisés par la Ville de Cologne ».

Le risque de requalification est donc proportionnel au niveau de description des travaux par l’établissement public qui a vocation à être locataire : « il ne doit pas aller au-delà des exigences d’un simple locataire ».

Incontestablement il s’agit là de démarches novatrices de la part des établissements de santé et les exemples restent encore très rares.

Delphine JAAFAR
Avocat Associée
delphine.jaafar@bismuth.fr

mardi 11 mars 2014

Renforcement du contrôle de l'exercice libéral à l'hôpital

Un projet de décret doit réviser les articles R.6154-1 à R.6154-10 du Code de la santé publique.
Empruntant au titre d'une intrigue bien connue, on pourrait se demander si d'irrésistible qu'elle paraissait la problématique de l'activité libérale du praticien à l'hôpital public n'est pas en passe de devenir résistible.
Un nouvel article R. 6154-3 du Code de la santé publique oblige les établissements "dans lesquels les praticiens sont autorisés à exercer une activité libérale", à élaborer une "charte de fonctionnement de l'activité publique et libérale". Une charte type devrait être diffusée.
Le projet de décret prévoit également d'annexer au contrat d'exercice libéral du praticien un projet d'organisation prévisionnelle de son activité libérale.

Delphine JAAFAR
Avocat Associé
delphine.jaafar@bismuth.fr