La médecine n’est pas un
commerce. Elle ne peut donc pas s’exercer comme tel et c’est pourquoi la
législation interdit aux professions médicales de faire tout type de publicité.
Une évolution ne semble pas encore au gout du jour pour les professions médicales.
Quoi que…
En application de l’article 19 du
Code de déontologie médical, codifié à l’article R. 4127-19 du Code de la santé
publique :
« Sont interdis tous procédés directs ou indirects de publicité ».
De tels procédés n’ont jamais
fait l’objet d’une définition de la part du législateur ce qui laisse une
grande marge d’appréciation en cas de poursuites disciplinaires.
Une directive communautaire du 10
septembre 1984 est venue apporter une définition générale de la publicité[1].
Ainsi, s’entend par publicité :
« toute forme de communication faite dans le cadre d'une activité
commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la
fourniture de biens ou de services, y compris les biens immeubles, les droits
et les obligations ».
Combinée avec l’interdiction
inscrite à l’article 19 du Code de déontologie médical, il faut comprendre que
le médecin ne peut user de formes de communication, directe ou indirecte, lui
permettant de promouvoir la fourniture des services médicaux qu’il rend.
La publicité doit donc être
distinguée de la communication qui est autorisée pour les professionnels de
santé. Cette dernière ne doit toutefois pas chercher à mettre en avant le
praticien mais bien informer le public.
Dans son Commentaire du Code de déontologie médical, le Conseil National de
l’Ordre des Médecins (CNOM) donne quelques exemples permettant de caractériser
les procédés directs et indirects de publicité[2].
Les tracts publicitaires, les
annonces non motivées, les encarts publicitaires dans les journaux sont donc
des procédés interdits selon le CNOM.
Comme bien souvent, quand on a dit ça, on a tout dit et rien dit, mais
surtout rien dit…
C’est pourquoi, il est opportun
de s’intéresser aux différentes décisions jurisprudentielles qui éclairent sur
le champ d’application de l’interdiction de la publicité.
Le Conseil d’Etat a par exemple
décidé dans un arrêt du 27 avril 2012 que le site internet d’un
chirurgien-dentiste ne peut constituer un élément de publicité et de
valorisation personnelle du praticien et de son cabinet sans porter atteinte à
l’interdiction de la publicité[3].
En l’espèce, le chirurgien-dentiste avait mis en avant des opérations réalisées
sur certains de ses patients et il recommandait des soins qu’il prodiguait. Ces
informations excédaient les simples informations objectives, et la chambre
disciplinaire n’a pas commis d’erreur de droit en estimant qu’il y avait un
manquement déontologique.
Cette décision reflète une
certaine constance dans la jurisprudence du Conseil d’Etat qui admet assez
facilement la caractérisation du manquement déontologique pour violation de
l’interdiction de la publicité.
C’était toutefois sans compter
sur un arrêt du 21 janvier 2015 dans lequel le Conseil d’Etat a admis que
« constitue
un procédé publicitaire prohibé » au sens de l’article R. 4127-215 du
Code de la santé publique « la mise
à disposition du public, par un praticien ou sans que celui-ci ne s'y soit
opposé, d'une information qui ne se limite pas à un contenu objectif et qui
vise à promouvoir auprès de patients éventuels l'activité au titre de laquelle
ce praticien est inscrit au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes en
France »[4].
Le Conseil ajoute
également :
« Dans l'hypothèse où, eu égard à son contenu, cette information n'est
pas destinée à de telles personnes, la circonstance qu'elle leur soit librement
accessible, notamment lorsqu'elle figure sur un site internet, n'est pas, par
elle-même, de nature à lui conférer le caractère d'une publicité prohibée ».
Le chirurgien-dentiste exerçait
l’art dentaire à la fois en France et en Angleterre. Le site, bien
qu’accessible en France, n’était pas « destiné »
au public français et l’interdiction de la publicité ne pouvait donc pas s’appliquer.
Ce n’est pas vraiment une
révolution, mais plutôt une évolution des concepts qui pose plusieurs
interrogations.
Le Conseil d’Etat ne reconnait
pas du tout le droit pour les professions médicales de faire de la publicité.
Mais il semble créer une toute petite ouverture qui pourrait peut-être
permettre une évolution de la législation française au regard du droit européen
qui entend proscrire les interdictions totales.
A cet égard, il faut souligner
l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 12 septembre 2013
qui affirme que :
« l’application de manière non discriminatoire, à un professionnel de la
médecine établi dans un autre État membre, de règles nationales ou régionales
encadrant, au regard d’un critère relatif à l’éthique professionnelle, les
conditions dans lesquelles un tel professionnel peut promouvoir ses activités
dans le domaine concerné peut être justifiée par des considérations impérieuses
d’intérêt général tenant à la santé publique et à la protection des
consommateurs »[5].
Dans cet arrêt, la CJUE estime que
la règlementation du Land Hesse qui interdit aux professions médicales la
publicité contraire à l’éthique professionnelle n’est pas contraire à la libre
prestation de service dès lors qu’elle est appliquée de manière non
discriminatoire et qu’elle est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt
général tenant à la santé publique et à la protection des consommateurs.
La sanction prononcée sur ce
fondement doit également être proportionnée.
Il apparait clairement ici que la
législation française interdisant totalement la publicité aux professions
médicales n’est pas conforme avec cette jurisprudence. Reste à savoir si
l’arrêt du Conseil d’Etat du 21 janvier 2015 permettra de la faire évoluer.
[1] Directive 84/450/CEE du Conseil du 10
septembre 1984 relative au rapprochement des dispositions législatives,
réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité
trompeuse.
[3] Conseil
d’Etat, 4e et 5e sous-section, Anthony, n°348259
[4] Conseil d'État, 4ème / 5ème SSR, 21 janvier
2015, n°362761
[5] CJUE, 12 septembre 2013, Kostas Konstantinides, Affaire C-475/11.