dimanche 28 septembre 2014

Le droit du patient à décider de la présence d’un tiers durant un examen médical : quand la jurisprudence vient rappeler les logiques d’éthique

Le devoir d’information par les médecins a été largement reconnu par l’Ordre National des Médecins et par l’article 35 du Code de déontologie médical. Il s’entend comme le consentement du patient à toute activité médicale pratiquée sur lui, celui-ci ne pouvant s’obtenir que par une information libre éclairée de son état ainsi que des soins envisagés. Il s’entend même comme le devoir le plus basique de l’éthique médicale.

Il a donc été naturellement – et heureusement ! – consacré à l’article R. 4127-35 du Code de la santé publique: «  le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension ».

Le plus basique du droit de l’éthique ?
Certainement, mais il a cependant fallu que le Conseil d’Etat apporte quelques rappels en la matière et plus précisément sur les obligations d’information du médecin quant à la présence d’un tiers lors de l’examen médical ?

C’est chose faite dans un arrêt du 19 septembre 2014 (Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 19/09/2014, 361534).

En l’espèce une patiente devait subir un examen du col de l’utérus. Le médecin souligne, juste avant de pratiquer l’acte médical, la présence d’un technicien pendant l’examen pour veiller au matériel utilisé. La patiente refuse et demande au technicien de sortir de la salle. Cependant une coloscopie classique a été effectuée, toujours en présence du technicien, qui est revenue dans la salle à la demande du médecin.

Cet acte, qui aurait fait frémir jusqu’au plus néophyte de l’éthique médicale, a été contesté a postériori par la patiente. Invoquant ainsi l’article R.4127-35 du Code de la santé publique, elle avance que le médecin a violé son droit à une information « loyale, claire et appropriée » sur l’examen médical en question.

Corroborant l’avis de la patiente par une décision du 18 février 2011, la chambre disciplinaire de première instance de l'Ordre des médecins d'Ile-de-France a infligé un blâme au médecin en raison de manquements déontologiques commis lors de l'examen.

Par la suite, invoquant à la fois l’article R. 4127-35 avancé par la patiente mais aussi l’article L.1111-2 du Code de santé publique disposant que « toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) » et enfin l’article R. 4127-36 du même code disposant que « le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas », le Conseil d’Etat est venu donner raison à la patiente, estimant que le médecin avait manqué à son devoir d’information envers la patiente, en permettant à un tiers d’assister à l’examen médical alors que celle-ci s’y était opposée préalablement.

Ainsi il est bon de savoir que désormais, l’obligation d’information du médecin – ou le droit d’information et de consentement du patient –  s’apprécie également quant à la présence d’un tiers lors de l’examen médical. Force est de constater que même le plus basique des droits d’éthique mérite de temps en temps une petite piqure de rappel …


Un éclairage juridique nécessaire sur la responsabilité médicale : l’appréciation des conséquences d’un cas d’infection nosocomiale sur la santé du patient

Ces dernières décennies ont vu fleurir des actions concrètes de lutte contre les infections nosocomiales en milieu hospitalier. Les politiques publiques sont florissantes en ce qui concerne les actions de prévention et de lutte. Cependant, quand est-il concernant les cas avérés d’infection nosocomiale ? A qui la faute ? Et comment l’apprécier juridiquement ?

La législation en matière de responsabilité, d’appréciation de la faute et de l’étendue des conséquences sur l’état de santé du patient voit peut à peu le jour : entre loi et jurisprudence, c’est une véritable toile d’araignée juridique qui se construit, éclairant de plus en plus les tenants et les aboutissants juridiques des infections nosocomiales.

Dans les cas avérés d’infection, les règles de la responsabilité médicale ont changé avec la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 et sont désormais très claires. La faute de l’établissement de santé est désormais présumé, ce qui décharge le patient victime de l’infection de la charge de la preuve. Il incombe donc à l’établissement de prouver qu’une cause étrangère est la source de ladite infection pour s’exonérer de sa responsabilité. Cette loi n’évoque cependant pas le potentiel calcul de l’étendu des conséquences sur l’intégrité du patient.

En ce sens, un arrêt du Conseil d’Etat du 30 juillet 2014 (Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 30/07/2014, 361821) apporte une nouvelle précision non négligeable : il convient désormais, dans le cadre d'une opération communément pratiquée, ne présentant pas de risque particulier, et s'étant déroulée sans incident, devant donc normalement permettre au patient de recouvrer une grande partie de ses capacités fonctionnelles, d’apprécier l’atteinte à la santé du patient par rapport à celui qui aurait été le sien sans ladite infection.
Ainsi, le taux d'atteinte à l'intégrité du patient doit être calculé non pas par la différence entre sa capacité avant l'intervention et sa capacité après consolidation des conséquences de l'infection, mais en se référant à la capacité dont l'intervention aurait permis la récupération en l'absence de cette infection.

En effet, le Conseil d’Etat a jugé qu’en l’espèce il appartenait à la Cour administrative d’appel « d'évaluer l'atteinte à l'intégrité physique résultant de l'infection nosocomiale en se référant à la capacité visuelle dont l'intervention aurait permis la récupération en l'absence de cette infection ».

Venant un peu plus éclairer l’appréciation des conséquences d’une infection nosocomiale sur l’état d’un patient, le Conseil d’Etat apporte une pierre à l’édifice juridique de la pratique médicale en centre hospitalier et plus particulièrement une jurisprudence non négligeable au milieu du flou juridique des cas d’infections nosocomiale.



jeudi 18 septembre 2014

Un puissant bêtabloquant pour la vente de médicaments en ligne par des sociétés commerciales !

C’est le 22 mai 2014 que le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens a tiré la première sonnette d’alarme concernant la vente de médicament en ligne, en assignant la société ENOVA SANTE, lui opposant l’article 809 du Code de procédure civile et les articles L.4211-1, L.5125-33 et s. et R.5125-79 et s. du Code de la santé publique. L’Ordre des pharmaciens réclamait ainsi la cessation du commerce électronique de médicaments ainsi que le retrait des pages concernant ledit commerce du site détenu par la société ENOVA SANTE.

En application de la législation en vigueur, et suivant une directive européenne de 2011, la France a accepté, depuis le 2 janvier 2013, que les pharmaciens établis en France et titulaires d’une officine aient  $recours à la vente en ligne. Une autorisation de l’Agence Régionale de Santé (ARS) est requise. Les sites autorisés figurent par ailleurs sur le site du ministère et celui de l’ordre des pharmaciens.

Enjoignant la société ENOVA SANTE de cesser d’offrir à la vente des médicaments sous astreinte de 1 000€ par jour de retard, l’ordonnance en référé du 8 août 2014 du Tribunal de Grande Instance de PARIS a envoyé un signal fort sur les autorisations de vente de médicaments en ligne. Cette décision dissuasive pour toutes autres sociétés tentées par cette activité rappelle que la vente de médicaments est loin d’être assimilable à n’importe quelle activité commerciale et qu’elle reste encore l’apanage des pharmaciens et des titulaires d’officine, pratiquant ainsi leur métier et leur art en respectant l’article L4221-5 du code de la santé publique : « Nul ne peut exercer la profession de pharmacien s’il n’offre toutes garanties de moralité professionnelle et s’il ne réunit les conditions suivantes : 1° Etre titulaire d’un diplôme, certificat ou autre titre mentionnés aux articles L. 4221-2 à L. 4221-5 ...3° Etre inscrit à l’ordre des pharmaciens.”

Cette décision est par conséquent le moyen de réaffirmer fort heureusement que la santé et la pharmacie ne sont pas des domaines propres à la commercialisation et ne peuvent être régis par les lois du marché … 

Claire LE BERRE
Juriste