L’article L 6316-1 du Code de la
santé publique définie la télémédecine comme :
« une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de
l'information et de la communication. Elle met en rapport, entre eux ou avec un
patient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figure nécessairement un professionnel
médical et, le cas échéant, d'autres professionnels apportant leurs soins au
patient ».
Cet article, issu de la loi
Hôpital, Patients, Santé et Territoire du 21 juillet 2009, a fait l’objet d’un
décret n° 2010-1229 du 19 octobre 2010 qui précise notamment quels actes
relèvent de la télémédecine[1].
Le législateur a donc entrepris
d’instaurer un cadre juridique pour permettre aux différents acteurs du secteur
de la santé de développer le recours à la télémédecine. Certains établissements
publics ont choisi de créer des Groupements de Coopération Sanitaire afin
d’organiser et de mutualiser les activités de télémédecine sur un territoire
donné. D’autres ont en revanche décidé de signer des conventions avec des
professionnels libéraux pour assurer l’interprétation des actes radiographiques
au sein de l’hôpital.
Ce système, plus contraignant car
il peut nécessiter le recours à une procédure de mise en concurrence et de
publicité, présente également un risque en cas de dégradation des relations
contractuelles.
C’est dans ce cadre que la Cour
Administrative de NANTES a eu à se prononcer sur la rupture unilatérale d’un
acte d’engagement conclu entre un Centre Hospitalier et une SELARL de
radiologie.
Le marché public de télémédecine : une opération risquée
Au terme d’une procédure de
marché public, le Centre Hospitalier et la SELARL avait signé le 1er
mars 2010 un acte d’engagement qui confiait à cette dernière l’interprétation
des clichés radiographiques réalisés au sein de l’hôpital. Le 17 mars 2011, le
Centre Hospitalier a décidé de résilier unilatéralement l’acte d’engagement
passé avec la SELARL aux frais et risques de la SELARL. Le Centre Hospitalier
reprochait à la clinique des manquements à ses obligations contractuelles.
La SELARL a formé un recours en
excès de pouvoir pour obtenir l’annulation de la décision de résilier le
contrat. Par un jugement en date du 8 mars 2012, le tribunal administratif
d’Orléans rejette en partie la demande de la SELARL. Le juge affirme en effet
que la décision de résiliation unilatérale du marché ne pouvait pas être fondée
sur la faute de la SELARL mais dans l’intérêt général. Le tribunal a donc
estimé que la SELARL n’avait pas commis une faute suffisamment grave permettant
de justifier la résiliation unilatérale du contrat. En revanche, vu la
dégradation des relations contractuelles entre les deux parties, la résiliation
du contrat pouvait être prononcée. Cette décision ouvre un droit à
indemnisation du préjudice lié au manque à gagner et aux pertes subies au
profit de la SELARL.
Le Centre Hospitalier n’a pas
fait appel de cette décision qui est devenue définitive. La SELARL a par la
suite déposé une requête en référé expertise afin d’évaluer le préjudice
qu’elle a subi. Le tribunal administratif d’Orléans a ordonné l’expertise par
un jugement en date du 14 février 2013. C’est à ce titre que le centre
hospitalier interjette appel de ce jugement et entend contester la définition
de la mission de l’expert et le
préjudice contenue dans le rapport d’expertise.
Une rupture unilatérale aux risques et périls … du Centre Hospitalier.
Dans son arrêt d’appel en date du
31 décembre 2014, la Cour Administrative d’appel de NANTES va rejeter la
demande du Centre Hospitalier en lui opposant d’une part le fait que
l’expertise était déjà rendue, et d’autre part, que les fautes commises par la
SELARL ne permettait pas de justifier la résiliation du marché pour faute.
La CAA de NANTES rejette les
conclusions visant à requalifier les missions de l’expert puisque ce dernier a
déjà rendu son rapport. Ce point ne nécessite pas d’être discuté tant il parait
évident.
L’autorité administrative dispose
du pouvoir de résilier unilatéralement un marché public, même en l’absence de
faute du cocontractant[2].
L’exercice de ce droit suppose d’indemniser le cocontractant lésé par la
décision. Toutefois, lorsque le fait générateur de la résiliation est la faute
du cocontractant, le droit à indemnisation est réduit voir inversé[3].
Il faut néanmoins une faute d’une particulière gravité pour justifier le
recours à la résiliation unilatérale d’un marché public. Le juge apprécie donc
a posteriori si la faute du cocontractant permettait de justifier la décision
de résilier le marché public.
En l’espèce, la Centre
hospitalier reprochait à la SELARL de ne pas respecter les modalités de
facturation en procédant à des surfacturations, d'avoir dépassé les délais
d’interprétation contractuellement prévus, et de ne pas avoir identifié
correctement l’auteur des comptes rendus d’interprétation.
La CAA de NANTES a jugé que les
reproches qui étaient faits à la SELARL ne permettaient pas de justifier la
décision de résiliation unilatérale pour faute. Elle a ainsi estimé que le
non-respect des modalités d’organisation et la surfacturation ne sont que des
fautes mineures.
En revanche, elle écarte le
manquement lié à l’absence d’identification de l’auteur des comptes rendus pour
absence de preuve. Il aurait été intéressant de voir si un manquement aux
règles prescrites par le Code de la santé publique aurait permis de justifier
la résiliation unilatérale. A notre sens, ce manquement n’a pas entrainé de
préjudice grave pour le centre hospitalier ou pour les patients. Le degré de
gravité de la faute n’aurait donc probablement pas été suffisant pour la Cour
Administrative d’appel. Il aurait pu en être autrement si l’identification du
patient avait été négligée car cela aurait pu entrainer des complications importantes
pour les patients du centre hospitalier.
Le risque pour un établissement
public hospitalier de s’engager dans un marché public avec une personne privée
La conclusion d’un contrat de
marché public entre un établissement public hospitalier et un opérateur privé
pour exploiter une convention de télémédecine présente un risque important
notamment en cas de résiliation unilatérale du contrat. De tels risques peuvent
être minimisés en instaurant des clauses au sein du contrat de marché public.
Toutefois, la rédaction de ces clauses est un exercice difficile auquel il faut
particulièrement prêter attention, le juge ayant le pouvoir de les annuler.
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